Et toi tu fais quoi?

 Et toi, tu fais quoi?

Cette phrase me terrorise quand je rencontre quelqu'un pour la première fois, ou une personne perdue de vue depuis longtemps. Ce que je fais? Euh... je travaille dans une boutique, mais c'est alimentaire hein, je ne vais pas faire ça toute ma vie. S'ensuit toute une série d'arguments justifiant mon errance professionnelle. Après une License de Lettres, je plaque tout pour me chercher. Soit. Je fais un peu de vente, et m'inscris au Cours Simon, mon rêve de toujours pour devenir comédienne, tout en travaillant pour payer mes factures. L'ambiance, faussement bon enfant, est en fait un véritable banc de méduses, où l'on se juge en permanence. Un avant-goût de ce qui m'attend? J'en ressors 3 ans plus tard, drainée et épuisée moralement. La bonne nouvelle est que je suis choisie pour jouer dans une petite pièce dans laquelle j'ai un rôle assez important. On me promet de me payer en cas de bénéfice. Je ne verrais jamais la couleur d'un euro malgré son succès. En parallèle, j’enchaîne les expériences professionnelles dans la vente, la rédaction, le secrétariat d'accueil etc... Mais c'est le néant devant moi. Les gens ressortent avec bien plus de diplômes, s'installent, montent en statut et moi je dérive vers une non-carrière. La vente est finalement ma constante, mais rien de bien satisfaisant et la frustration de constater que l'image d'elle qu'on donne à la femme ne s'est vraiment pas améliorée. Parce que je travaille surtout dans la mode féminine et c'est particulier. Entre l'obsession de la taille 0, l'angoisse d'essayer des sandales avec les ongles pas faits, l'agressivité lorsqu'on précise que la forme se porte large (oui oui vous avez bien lu) et autres délices, tout ça me porte à réfléchir à mon utilité dans ce bas-monde. J'aime écrire comme je respire, sur n'importe quel sujet. Je pourrais vous écrire un article entier sur mon hypersensibilité, le yoga qui m'a sauvé la vie et sur le fait qu'on définit quelqu'un par sa formation professionnelle dès la première rencontre.

Alors oui, quand on me demande ce que je fais moi, dans la vie, je blêmis, et je tente de me raccrocher aux branches. J'ai 33 ans et je veux écrire. Sur vous, sur moi, sur la société actuelle, sur la dernière expo Maillol, sur la trentaine un peu perdue, sur mon envie d'évoluer librement sans les injonctions d'un monde malade. Mais surtout, j'ai envie d'écrire qu'il y aura toujours beaucoup d'espoir, quoi qu'il arrive, même si on est bancal.es et que l'avenir fait un peu peur. 

Moi j'y crois en tout cas.

Alors, vous êtes prêt.es à me suivre?

Commentaires